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Memorandum sur lorganisation dun régime dUnion Fédérale Européenne 1930 Aristide Briand
Memorandum presentado por Aristide Briand en la Sociedad de las Naciones el 17 de mayo de 1930.
Au cours dune première réunion tenue le 9 septembre 1929, à Genève, à lademande du représentant de la France, les Représentants qualifiés des vingt-sept États européens membres de la Société des Nations ont été appelés à envisager lintérêt dune entente entre Gouvernements intéressés, en vue de linstitution, entre peuples dEurope, dune sorte de lien fédéral qui établisse entre eux un régime de constante solidarité et leur permette, dans tous les cas où cela serait nécessaire, dentrer en contact immédiat pour létude, la discussion et le règlement des problèmes susceptibles de les intéresser en commun.
Unanimes à reconnaître la nécessité dun effort dans ce sens, les Représentants consultés se sont tous engagés à recommander à leurs gouvernements respectifs la mise à létude de la question qui leur était directement soumise par le Représentant de la France et quaussi bien ce dernier avait déjà eu loccasion le 5 septembre dévoquer devant la Xe Assemblée de la Société des Nations.
Pour mieux attester cette unanimité, qui consacrait déjà le principe dune union morale européenne, ils ont cru devoir arrêter sans délai la procédure qui leur paraissait la plus propre à faciliter lenquête proposée : ils ont confié au Représentant de la France le soin de préciser, dans un mémorandum aux gouvernements intéressés, les points essentiels sur lesquels devait porter leur étude ; de recueillir et denregistrer leurs avis ; de dégager les conclusions de cette large consultation, et den faire lobjet dun rapport à soumettre aux délibérations dune Conférence européenne, qui pourrait se tenir à Genève, lors de la prochaine Assemblée de la Société des Nations.
*** Au moment de sacquitter de la mission qui lui a été confiée, le gouvernement de la République tient à rappeler la préoccupation générale et les réserves essentielles qui nont cessé de dominer la pensée de tous les représentants réunis à Genève, le 9 septembre dernier.
*** La proposition mise à létude par vingt-sept gouvernements européens trouvait sa justification dans le sentiment très précis dune responsabilité collective en face du danger qui menace la paix européenne, au point de vue politique aussi bien quéconomique et social, du fait de létat dincoordination où se trouve encore léconomie générale de lEurope. La nécessité détablir un régime permanent de solidarité conventionnelle pour lorganisation rationnelle de lEurope résulte en effet des conditions mêmes de la sécurité et du bien-être des peuples que leur situation géographique appelle à partager, dans cette partie du monde, une solidarité de fait.
Nul ne doute aujourdhui que le manque de cohésion dans le groupement des forces matérielles et morales de lEurope ne constitue, pratiquement, le plus sérieux obstacle au développement et à lefficacité de toutes institutions politiques ou juridiques sur quoi tendent à se fonder les premières entreprises dune organisation universelle de la paix. Cette dispersion des forces ne limite pas moins gravement en Europe, les possibilités délargissement du marché économique, les tentatives dintensification et damélioration de la production industrielle, et par là même toutes garanties contre les crises du travail, sources dinstabilité politique aussi bien que sociale. Or, le danger dun tel morcellement se trouve encore accru du fait de létendue des frontières nouvelles (plus de 20 000 kilomètres de barrières douanières) que les traités de paix ont dû créer pour faire droit, en Europe, aux aspirations nationales.
Laction même de la Société des Nations, dont les responsabilités sont dautant plus lourdes quelle est universelle, pourrait être exposée en Europe à de sérieuses entraves si ce fractionnement territorial ne trouvait pas au plus tôt sa compensation dans un lien de solidarité permettant aux Nations européennes de prendre enfin conscience de lunité géographique européenne et de réaliser, dans le cadre de la Société, une de ces ententes régionales que le Pacte a formellement recommandées.
*** Cest dire que la recherche dune formule de coopération européenne en liaison avec la Société des Nations, loin daffaiblir lautorité de cette dernière, ne doit tendre et ne peut tendre quà laccroître, car elle se rattache étroitement à ses vues. Il ne sagit nullement de constituer un groupement européen en dehors de la Société des Nations, mais au contraire dharmoniser les intérêts européens sous le contrôle et dans lesprit de la Société des Nations, en intégrant dans son système universel un système limité, dautant plus effectif. La réalisation dune organisation fédérative de lEurope serait toujours rapportée à la Société des Nations, comme un élément de progrès à son actif dont les nations extra-européennes elles-mêmes pourraient bénéficier.
Une telle conception ne peut laisser place à léquivoque, pas plus que celle dont procédait, sur un terrain régional encore plus restreint, la négociation collective des accords de Locarno qui ont inauguré la vraie politique de coopération européenne.
En fait, certaines questions intéressent en propre lEurope, pour lesquelles lesÉtats européens peuvent sentir le besoin dune action propre, plus immédiate et plus directe, dans lintérêt même de la paix, et pour lesquelles, au surplus, ils bénéficient dune compétence propre, résultant de leurs affinités ethniques et de leur communauté de civilisation. La Société des Nations elle-même, dans lexercice général de son activité, a eu plus dune fois à tenir compte du fait de cette unité géographique que constitue lEurope et à laquelle peuvent convenir des solutions communes dont on ne saurait imposer lapplication au monde entier. Préparer et faciliter la coordination des activités proprement européennes de la Société des Nations serait précisément une des tâches de lassociation envisagée.
Loin de constituer une nouvelle instance contentieuse pour le règlement des litiges, lAssociation européenne, qui ne pourrait être appelée en pareille matière à exercer ses bons offices quà titre purement consultatif, serait sans qualité pour traiter au fond des problèmes particuliers dont le règlement a été confié par le Pacte ou par lesTraités, à une procédure spéciale de la Société des Nations, le lien fédéral entre États européens jouerait encore un rôle très utile en préparant latmosphère favorable aux règlements pacifiques de la Société ou en facilitant dans la pratique lexécution de ses décisions.
Aussi bien le Représentant de la France a-t-il eu le souci, dès le début, déviter toute ambiguïté, lorsque, prenant linitiative de la première réunion européenne, il aestimé quelle devrait comprendre seulement les Représentants dÉtats membres de la Société des Nations, et se tenir à Genève même, à loccasion de la Xe Assemblée, cest-àdire dans latmosphère et dans le cadre de la Société des Nations.
Non plus quà la Société des Nations, lorganisation européenne envisagée ne saurait sopposer à aucun groupement ethnique, sur dautres continents ou en Europe même, en dehors de la Société des Nations.
Loeuvre de coordination européenne répond à des nécessités assez immédiates et assez vitales pour chercher sa fin en elle-même, dans un travail vraiment positif et quil ne peut être question de diriger ni de laisser jamais diriger contre personne. Bien au contraire, cette oeuvre devra être poursuivie en pleine confiance amicale, et souvent même en collaboration, avec tous autres États ou groupements dÉtats qui sintéressent assez sincèrement à lorganisation universelle de la paix pour reconnaître lintérêt dune homogénéité plus grande de lEurope, comprenant, au surplus, assez clairement les lois modernes de léconomie internationale pour rechercher le meilleur aménagement dune Europe simplifiée et par là même soustraite à la constante menace des conflits, les conditions de stabilité indispensables au développement de leurs propres échanges économiques.
La politique dunion européenne à laquelle doit tendre aujourdhui la recherche dun premier lien de solidarité entre gouvernements dEurope implique, en effet, une conception absolument contraire à celle qui a pu déterminer jadis, en Europe, la formation dunions douanières tendant à abolir les douanes intérieures pour élever aux limites de la communauté une barrière plus rigoureuse, cest-à-dire à constituer en fait un instrumentde lutte contre les États situés en dehors de ces unions.
Une pareille conception serait incompatible avec les principes de la Société des Nations, étroitement attachée à la notion duniversalité qui demeure son but et sa fin alors même quelle poursuit et favorise des réalisations partielles.
*** Il importe enfin de placer très nettement létude proposée sous cette conception générale, quen aucun cas et à aucun degré, linstitution du lien fédéral recherché entregouvernements européens ne saurait affecter en rien aucun des droits souverains des États membres dune telle association de fait.
Cest sur le plan de la souveraineté absolue et de lentière indépendance politique que doit être réalisée lentente entre nations européennes. Il serait dailleurs impossible dimaginer la moindre pensée de domination politique au sein dune organisation délibérément placée sous le contrôle de la Société des Nations, dont les deux principesfondamentaux sont précisément la souveraineté des États et leur égalité de droits. Et avec les droits de souveraineté, nest-ce-pas le génie même de chaque nation qui peut trouver à saffirmer encore plus consciemment, dans sa coopération particulière à loeuvre collective, sous un régime dunion fédérale pleinement compatible avec le respect des traditions et caractéristiques propres à chaque peuple? *** Cest sous la réserve de ces observations et en sinspirant de la préoccupation générale rappelée au début de ce mémorandum que le gouvernement de la République, conformément à la procédure arrêtée à la première réunion européenne du 9 septembre 1929, a lhonneur de soumettre aujourdhui à lexamen des gouvernements intéressés un relevé des différents points sur lesquels ils sont invités à formuler leur avis. I Nécessité dun pacte dordre général, aussi élémentaire fût-il, pour affirmer le principe de lunion morale européenne et consacrer solennellement le fait de lasolidarité instituée entre États européens.
Dans une formule aussi libérale que possible, mais indiquant clairement lobjectif essentiel de cette association au service de loeuvre collective dorganisation pacifique de lEurope, les gouvernements signataires sengageraient à prendre régulièrement contact, dans des réunions périodiques ou extraordinaires, pour examiner en commun toutes questions susceptibles dintéresser au premier chef la communauté des peuples européens.
OBSERVATIONS Les gouvernements signataires apparaissent ainsi liés à lorientation générale dune certaine politique commune, le principe de lunion européenne se trouverait désormais placé hors de toute discussion et au-dessus de toute procédure dapplication quotidienne : létude des voies et des moyens serait réservée à la Conférence européenne ou à lorganisme permanent qui serait appelé à constituer le lien vivant de solidarité entre nations européennes et à incarner ainsi la personnalité morale de lunion européenne.
Ce pacte initial et symbolique, sous le couvert duquel se poursuivraient dans la pratique la détermination, lorganisation et le développement des éléments constitutifs de lassociation européenne, devrait être rédigé assez sommairement pour se borner à définir le rôle essentiel de cette association. (Il appartiendrait à lavenir, sil devait être favorable au développement de lunion européenne, de faciliter lextension éventuelle de ce pacte de principe jusquà la conception dune charte plus articulée.) La rédaction du pacte européen devrait néanmoins tenir compte des réserves essentielles indiquées dans le présent mémorandum. Il importerait en effet de définir le caractère de lEurope, considérée comme une entente régionale répondant aux dispositions de larticle 21 du Pacte de la Société des Nations et exerçant son activité dans le cadre de la Société des Nations (il serait précisé, notamment, que lAssociation européenne ne saurait se substituer à la Société des Nations dans les tâches confiées à celle-ci par le Pacte ou par les Traités, et que, même dans son domaine propre dorganisation de lEurope, elle devrait encore coordonner son activité particulière avec lactivité de la Société des Nations).
Pour mieux attester la subordination de lAssociation européenne à la Société des Nations, le pacte européen serait réservé, à lorigine, aux Etats européens membres de la Société.
II Nécessité dun mécanisme propre à assurer à lunion européenne les organes indispensables à laccomplissement de sa tâche.
Nécessité dun organe représentatif et responsable, sous forme dinstitution régulière de la Conférence européenne, composée des représentants de tous les gouvernements européens membres de la Société des Nations, et qui demeurerait lorgane directeur essentiel de lUnion européenne, en liaison avec la Société des Nations.
Les pouvoirs de cette Conférence, lorganisation de sa présidence et de ses sessions, régulières ou extraordinaires, devraient être déterminées à la prochaine réuniondes États européens, qui aura à délibérer sur les conclusions du rapport denquête et qui, sous réserve des approbations gouvernementales ou ratifications parlementaires indispensables, devra assurer la mise au point du projet dorganisation européenne.
OBSERVATIONS Afin déviter toute prédominance en faveur dun des États dEurope par rapport aux autres, la présidence de la Confédération européenne devrait être annuelle et exercée par roulement.
Nécessité dun organe exécutif, sous forme de Comité politique permanent, composé seulement dun certain nombre de membres de la Conférence européenne et assurant pratiquement à lUnion européenne son organisme détude en même temps que son instrument daction.
La composition et les pouvoirs du Comité européen, le mode de désignation de ses membres, lorganisation de sa présidence et de ses sessions, régulières ouextraordinaires, devraient être déterminés à la prochaine réunion des États européens.
Lactivité de ce Comité, comme celle de la Conférence, devant sexercer dans le cadre de la Société des Nations, ses réunions devraient avoir lieu à Genève même, où ses sessions régulières pourraient coïncider avec celles du Conseil de la Société des Nations.
OBSERVATIONS En vue de soustraire le Comité européen à toute prédominance particulière, sa présidence devra être exercée par roulement.
Le Comité, ne pouvant comprendre quun nombre restreint de ReprésentantsdÉtats européens membres de la Société des Nations, garderait la possibilité dinviter à tout moment les représentants des autres Gouvernements européens, faisant ou non partie de la Société des Nations, qui seraient particulièrement intéressés à létude dune question. Au surplus, la faculté lui serait formellement réservée, chaque fois quil le jugerait nécessaire ou opportun, dinviter un représentant dune puissance extraeuropéenne, faisant ou non partie de la Société des Nations, à assister ou même à participer (avec voix consultative ou délibérative) aux délibérations portant sur une question où elle se trouverait intéressée.
Une des premières tâches du Comité pourrait comporter : dune part lexamen général de toute procédure de réalisation et dapplication du projet envisagé, conformément aux données essentielles de la consultation des gouvernements, et la recherche, à cet effet, des voies et moyens tendant à dégager techniquement les éléments constitutifs de la future Union fédérale européenne ; dautre part, linventaire général du programme de coopération européenne, comprenant : létude des questions politiques, économiques, sociales et autres, intéressant particulièrement la communauté européenne et non encore traitées par la Société des Nations laction particulière à exercer pour activer lexécution par les Gouvernements européens des décisions générales de la Société des Nations.
Le Comité, après adoption du programme général de coopération européenne, pourrait confier létude de certains chapitres à des comités techniques spéciaux, en sassurant des conditions nécessaires pour que le travail des experts fût toujours maintenu sous le contrôle et limpulsion immédiate de lélément politique, émanation directe des gouvernements, qui demeurent solidairement responsables de la poursuite de leur entreprise internationale et qui peuvent seuls en assurer le succès sur le plan politique où elle trouve sa justification supérieure. (A cet effet, la présidence des Comités techniques pourrait être confiée, dans chaque cas particulier, à un homme dEtat européen choisi, soit dans le sein, soit en dehors du comité politique européen).
Nécessité dun service de Secrétariat, aussi réduit fût-il à lorigine, pour assurer administrativement lexécution des instructions du Président de la Conférence ou du Comité, la préparation de leurs discussions, lenregistrement et la notification de leurs résolutions, etc.
OBSERVATIONS Au début, le service de Secrétariat pourrait être confié au Gouvernement chargé, par roulement, de la présidence du Comité européen.
Le jour où la nécessité serait reconnue dun Secrétariat permanent, le siège de ce Secrétariat devrait être le même que celui des réunions de la Conférence et du Comité, cest-à-dire Genève.
Lorganisation du service du Secrétariat devrait toujours être examinée en tenant compte des possibilités dutilisation, au moins partielle et temporaire, de services particuliers du Secrétariat de la Société des Nations.
III Nécessité darrêter davance les directives essentielles qui devront déterminer les conceptions générales du Comité européen et le guider dans son travail détude pour lélaboration du programme dorganisation européenne.
(Ce troisième point pouvant être réservé à lappréciation de la prochaine réunion européenne.) Subordination du problème économique au problème politique. Toute possibilité de progrès dans la voie de lunion économique étant rigoureusement déterminée par la question de sécurité et cette question elle-même étant intimement liée à celle du progrès réalisable dans la voie de lunion politique, cest sur le plan politique que devrait être porté tout dabord leffort constructeur tendant à donner à lEurope sa structure organique. Cest sur ce plan encore que devrait ensuite sélaborer, dans ses grandes lignes, la politique économique de lEurope, aussi bien que la politique douanièrede chaque État européen en particulier.
Un ordre inverse ne serait pas seulement vain, il apparaîtrait aux nations les plus faible comme susceptible de les exposer, sans garanties ni compensation, aux risques dedomination politique pouvant résulter dune domination industrielle des États les plus fortement organisés.
Il est donc logique et normal que les sacrifices économiques à faire à la collectivité ne puissent trouver leur justification que dans le développement dune situation politique autorisant la confiance entre peuples et la pacification réelle des esprits. Et même après la réalisation dune telle condition de fait, assurée par létablissement dun régime de constante et étroite association de paix entre peuples dEurope, encore faudrait-il lintervention, sur le plan politique, dun sentiment supérieur des nécessités internationales pour imposer aux Membres de la communauté européenne, en faveur de la collectivité, la conception sincère et la poursuite effective dune politique douanière vraiment libérale.
Conception de coopération politique européenne comme devant tendre à cette fin essentielle : une fédération fondée sur lidée dunion et non dunité, cest-à-dire assezsouple pour respecter lindépendance et la souveraineté nationale de chacun des États, tout en leur assurant à tous le bénéfice de la solidarité collective pour le règlement des questions politiques intéressant le sort de la communauté européenne ou celui dun de ses membres.
(Une telle conception pourrait impliquer, comme conséquence, le développement général pour lEurope du système darbitrage et de sécurité, et lextension progressive à toute la communauté européenne de la politique de garanties internationales inaugurées à Locarno, jusquà intégration des accords ou série daccords particuliers dans un système plus général.) Conception de lorganisation économique de lEurope comme devant tendre à cette fin essentielle : un rapprochement des économies européennes réalisé sous la responsabilité politique des gouvernements solidaires.
A cet effet, les gouvernements pourraient fixer eux-mêmes, définitivement, dans un acte dordre général et de principe, qui constituerait un simple pacte de solidarité économique, le but quils entendent assigner comme fin idéale à leur politique douanière (établissement dun marché commun pour lélévation au maximum du niveau de bien-être humain sur lensemble des territoires de la communauté européenne). A la faveur dune telle orientation générale, pourrait sengager pratiquement la poursuite immédiate dune organisation rationnelle de la production et des échanges européens, par voie de libération progressive et de simplification méthodique de la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, sous la seule réserve des besoins de la défense nationale danschaque État.
Le principe même de cette politique douanière une fois consacré, et définitivement consacré, sur le plan de la politique générale des gouvernements, létude des modalités et voies de réalisation pourrait être renvoyée toute entière à lexamen technique dun Comité dexperts, dans les conditions prévues au titre II, B, observation 4.
IV Opportunité de réserver, soit à la prochaine conférence européenne, soit au futur Comité européen, létude de toutes les questions dapplication, dont les suivantes : Détermination du champ de coopération européenne, notamment dans les domaines suivants : Économie générale Réalisation effective, en Europe, du programme établi par la dernière Conférence économique de la Société des Nations ; contrôle de la politique des unions et cartels industriels entre différents pays ; examen et préparation de toutes possibilités futures en matière dabaissement progressif des tarifs, etc.
Outillage économique Réalisation dune coordination entre les grands travauxpublics exécutés par les États européens (route à grand trafic automobile, canaux, etc.).
Communication et transit Par voie de terre, deau et dair : réglementation et amélioration de la circulation intereuropéenne ; coordination des travaux des commissions fluviales européennes ; ententes entre chemins de fer ; régime européen des postes, télégraphes et téléphones ; statut de la radio-diffusion, etc.
Finances Encouragement du crédit destiné à la mise en valeur des régions dEurope économiquement moins développées ; marché européen ; questions monétaires, etc.
Travail Solution de certaines questions de travail particulières à lEurope, telles que le travail dans la batellerie fluviale et dans les verreries ; ayant un caractère continental ou régional, telles que la réglementation des conséquences sociales de lémigration intereuropéenne (application dun pays à un autre des lois sur les accidents du travail, les assurances sociales, les retraites ouvrières, etc.).
Hygiène Généralisation de certaines méthodes dhygiène expérimentées par lorganisation dhygiène de la Société des Nations (notamment, régénération des régions agricoles ; application de lassurance-maladie ; écoles nationales dhygiène ; épidémiologie européenne ; échanges de renseignements et de fonctionnaires entre services nationaux dhygiène ; coopération scientifique et administrative dans la lutte entre les grands fléaux sociaux, contre les maladies professionnelles et la mortalité infantile,etc.).
Coopération intellectuelle Coopération par les universités et académies ; relations littéraires et artistiques ; concentration des recherches scientifiques ; amélioration du régime de la presse dans les relations entre agences et dans le transport des journaux, etc.
Rapports interparlementaires Utilisation de lorganisation et des travaux de lUnion interparlementaire, pour le développement des contacts et échanges de vues entre milieux parlementaires des différents pays dEurope (afin de préparer le terrain politique aux réalisations de lUnion européenne qui nécessiteraient des approbations parlementaires et, dune façon générale, daméliorer latmosphère internationale en Europe par la compréhension réciproque des intérêts et sentiments des peuples). Administration Formation de sections européennes dans certains bureaux internationaux mondiaux.
Détermination des méthodes de coopération européenne dans les questions que retiendrait la Conférence européenne ou le Comité européen.
Il pourrait être opportun, suivant les cas : soit de créer des organismes de coordination et détude là où ils nexistent pas (par exemple pour loutillage européen ou pour les diverses Commissions fluviales européennes) soit de seconder les efforts de la Société des Nations dans les questions qui ont déjà fait lobjet de ses études méthodiques (en préparant, notamment, par des échanges de vues et des négociations amiables, lentrée en vigueur, dans les relations des États dEurope, des conventions établies ou des recommandations formulées par la Société des Nations) soit enfin de provoquer des conférences, européennes ou générales, de la Société des Nations dans les questions susceptibles dêtre traitées par elle, mais qui ne lont pasencore été. (A toute conférence européenne les États extra-européens seraient invités à se faire représenter par des observateurs et toute convention qui serait établie par uneconférence convoquée à la demande des États dEurope, pour autant quelle ne serait passtrictement continentale par son objet, demeurerait ouverte à ladhésion des États extraeuropéens.) Détermination de tous modes de collaboration entre lUnion européenne et les pays situés en dehors de cette union.
*** En sollicitant sur les quatre points ci-dessus indiqués, lavis des vingt-six gouvernements européens dont il a reçu mandat denquête, le gouvernement de la République tient à formuler cette observation générale, quil a cru devoir sattacher, pour des raisons purement pratiques, à une conception aussi élémentaire que possible de sa consultation : non quil entende limiter, dans ses voeux, les possibilités de développement futur dune organisation fédérale de lEurope, mais parce que, dans létat actuel du monde européen et pour accroître les chances dassentiment unanime à une première proposition concrète, susceptible de concilier tous intérêts et toutes situations particulières en cause, il importe essentiellement de sen tenir aux données initiales de quelques vues très simples.
Aussi bien est-il de bonne méthode de procéder du plus simple au plus complexe, en sen remettant au temps dassurer, avec la vie, par une évolution constante et par une sorte de création continue, le plein épanouissement des ressources naturelles que lUnion européenne pourrait porter en elle-même.
Cest une telle conception qui guidait déjà le Représentant de la France, quand, devant la première réunion européenne convoquée à Genève, il se bornait à suggérer, à titre immédiat, la recherche dun simple lien fédéral à instituer entre gouvernements européens membres de la Société des Nations pour assurer pratiquement leur coopération.
Il ne sagit point, en effet, dédifier de toutes pièces une construction idéale répondant abstraitement à tous les besoins logiques dune vaste ébauche de mécanisme fédéral européen, mais, en se gardant au contraire de toute anticipation de lesprit, de sattacher pratiquement à la réalisation effective dun premier mode de contact et de solidarité constante entre gouvernements européens, pour le règlement en commun de tous problèmes intéressant lorganisation de la paix européenne et laménagement rationnel des forces vitales de lEurope.
Le gouvernement de la République attacherait du prix à recevoir avant le 15 juillet la réponse des gouvernements consultés, avec toutes observations ou suggestions spontanées dont ils croiraient devoir accompagner leur communication. Il exprime le ferme espoir que ces réponses, inspirées du large souci de faire droit à lattente des peuples et aux aspirations de la conscience européenne, fourniront les éléments dentente et de conciliation permettant dinstituer, avec un premier embryon dorganisation fédérale, le cadre durable de cette coopération européenne dont le programme pourra être arrêté à la prochaine réunion de Genève.
Lheure na jamais été plus propice ni plus pressante pour linauguration dune oeuvre constructive en Europe. Le règlement des principaux problèmes, matériels et moraux, consécutifs à la dernière guerre aura bientôt libéré lEurope nouvelle de ce qui grevait le plus lourdement sa psychologie, autant que son économie. Elle apparaît dès maintenant disponible pour un effort positif et qui réponde à un ordre nouveau. Heure décisive, où lEurope attentive peut disposer elle-même de son propre destin. Sunir pour vivre et prospérer : telle est la stricte nécessité devant laquelle se trouvent désormais les Nations dEurope. Il semble que le sentiment des peuples se soit XCVII déjà clairement manifesté à ce sujet. Aux gouvernements dassumer aujourdhui leurs responsabilités, sous peine dabandonner au risque dinitiatives particulières et dentreprises désordonnées le groupement de forces matérielles et morales dont il leur appartient de garder la maîtrise collective, au bénéfice de la communauté européenne autant que de lhumanité.